La guerre des pommes

Hiver

« _ Poussez-vous donc !
_ Où voulez-vous que j’aille?
_ C’est incroyable ça ! Nous sommes tant, et l’espace est si réduit..
_ Non mais quelle idée franchement. »

L’une se pousse un peu. L’autre roule sur le côté mais la place n’est pas suffisante, elle retombe sur la première.

Une faim sans fin

Hiver

On ne se voyait que rarement, mais l’effet qu’elle avait sur moi était toujours le même. À chaque fois qu’elle venait me rendre visite, elle créait chez moi cette incroyable faim, de celle qui vous broie l’estomac tout autant que l’esprit. Si tenace cette faim qu’elle vous donne l’impression qu’elle sera là éternellement, que rien ne pourra jamais la satisfaire parce que le goût dont elle a besoin n’existe pas. Anaïs me faisait ça, à chaque fois qu’elle venait me voir.

Le lapin à la moutarde

Hiver

Mes doigts filent dans la douce fourrure du lapin. Calme, immobile, son petit corps soyeux ne bouge pas d’un millimètre et je prends un plaisir fou à caresser son poil de ma main massive. Sur ma planche à découper, je découpe soigneusement la carcasse de l’animal dépecé, met de côté les meilleurs morceaux ; je sors l’ingrédient nécessaire à ma recette, la moutarde, et les badigeonne amoureusement. Dans une grande poêle, je les fais revenir doucement, sans les brûler, avec un peu d’huile. En attendant que le vin blanc monte doucement en température dans la grande casserole. Je repense à ces longues oreilles si douce et ce pompon si soyeux, qui donnaient à mes mains l’impression de toucher un nuage.

C’était comme si le monde avait vieilli.

Hiver

C’était comme si le monde avait tout à coup vieilli. Comme ça, du jour au lendemain. Tout était mourant, gris et fade. Les lumières vives avaient perdu leur éclat, les horloges semblaient tourner au ralenti. Les couleurs étaient passées, délavées ; les rues étaient sombres et sales. Les gens déambulaient au hasard, erraient sans but au milieu des voitures abandonnées. Même les enfants paraissaient vieux, ridés, gris, tristes. Tous les regards étaient vides et aveugles. Le monde tel qu’il était hier n’existait plus. L’espoir lui-même avait disparu. L’idée même d’existence semblait s’être perdue dans le néant. Slalomant entre ces âmes vidées je ne me sentais pourtant pas vieux, je n’avais pas l’impression d’être comme elles. J’étais rapide, j’étais vivant, j’étais plein d’espoir. Ce mystère n’en était donc pas un, je rêvais, rien de plus.

Un très, très long chemin

Automne

Un pas après l’autre. Je dois avancer. Je ne sais pas si le chemin sera encore long mais je sais qu’il l’a été jusqu’ici. Le soleil semble être fatigué, la nuit tombera t-elle bientôt ?
Il n’est pas aisé de marcher dans le noir, j’espère que le soleil restera encore un petit moment à mes côtés.
Il y a ce saladier dans lequel je blanchis des œufs et du sucre…

Des poules et des dents

Automne

« Je peux avoir une glace ?
_ Au mois de Décembre ? Non je ne crois pas, non. »

Il y a tant de mets que j’aimerai déguster là, tout de suite, à ce moment précis. Des mets gourmands, légers, frais. Des mets d’été… Et c’est bien là qu’est le problème. Nous sommes le 7 décembre, ce qui signifie qu’il reste 195 jours, 7 heures et un nombre incalculable de minutes à attendre avant l’été. Il reste donc 195 jours, 7 heures et toutes ces interminables minutes avant de pouvoir manger une glace ou boire une légère citronnade glacée.

Réminiscence

Automne

Je n’aime pas beaucoup l’automne. Je n’aime pas beaucoup l’hiver non plus. Il y fait bien trop froid et la vision des arbres perdant leurs feuilles m’a toujours semblé d’une tristesse infinie. Pourtant j’aime les plats de ces saisons. Gourmands, réconfortants… Ce sont des plats qui réchauffent et qui, souvent, apparaissent lors de repas de fêtes. Des plats familiaux qui laissent plus de souvenirs que n’importe quels autres…