Sombre après-midi

Des bourrasques de vent frappent violemment les carreaux des fenêtres. D’imposants et sombres nuages ont pris possession du ciel et caché le soleil. La cuisine est bien obscure en cet après-midi orageux. J’appuie sur l’interrupteur, et la lumière de l’ampoule inonde la triste pièce. Les choses sont comme … immobilisées.

Je veux rompre cet enchantement étrange. Je m’empare de quelques ingrédients, des ovales rosés, de la poudre de céréales, des grains translucides, un peu de graisse jaune, un zeste d’agrume ensoleillé. Et je mélange, et je malaxe, et je mixe tout cela de mon ustensile en bois. La pluie commence à tomber et caresse gentiment les carreaux, la vue se brouille alors que le four s’échauffe.

La cuisson commence et la pluie s’intensifie, elle fouette maintenant les vitres avec ardeur. Je ne discerne plus rien du dehors, le froid des carreaux me gèle les mains mais je ne peux m’empêcher de les y laisser. J’entend le « tic tac » familier de l’horloge du four, j’entends chaque goutte s’abattre avec véhémence sur ces carreaux glacés. Les choses se mélangent comme ma mixture, le temps se mue en cuillère en bois alors que dans le four, une beauté dorée sort de son cocon de silicone. L’intime « bip » me sort de ma torpeur, mes mains gelées quittent leur paroi vitrée et se rapprochent du four. La mixture s’est transformée, la magie a fonctionné et l’odeur douce et sucrée qui s’échappe du plat en témoigne.

Une fois le rituel de préparation du thé achevé, le doux rectangle ambré a tiédi, il est temps d’en couper une tranche, ou bien deux, et de les tremper dans cette délicieuse décoction fruitée pour voir enfin apparaître le soleil au coeur du déluge.